Les champs du futur : l’industrie agricole européenne à l’aube d’une nouvelle révolution robotique

Des bœufs aux chevaux, puis des tracteurs aux robots : l’industrie agricole européenne est sur le point de connaître une mutation technologique introduite cette fois-ci par l’intelligence artificielle.

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Par Horizon Publié le 3 janvier 2023 à 6h17
Agriculture Robot Europe Technologie Agricole
8%8% de la surface agricole en Europe est biologique.

Dans la province de Zélande, aux Pays-Bas, un robot se déplace dans les champs de tournesols, d'échalotes et d'oignons. Une machine qui désherbe de manière autonome et sans relâche, jour après jour.

« Farmdroid » a considérablement facilité la vie de Mark Buijze, à la tête d’une exploitation agricole bio comptant 50 vaches et 15 hectares de terres. M. Buijze est un des très rares propriétaires de robots que compte l'agriculture européenne.

Les robots à la rescousse !

Son ouvrier agricole électronique est équipé d'un GPS. Multifonction, il est capable de passer du désherbage au semis. M. Buijze n’a qu’à appuyer sur un bouton pour saisir les coordonnées et Farmdroid se charge du reste.

« Grâce au robot, le désherbage peut être effectué en un ou deux jours, alors qu’à la main il occupait quatre à cinq ouvriers pendant plusieurs semaines », a-t-il expliqué. « La machine peut, grâce au GPS, identifier l'endroit exact où elle doit intervenir dans le champ. »

La fin de la cueillette et le début de l'agriculture, il y a environ 12 000 ans, ont permis d'améliorer considérablement la qualité de vie des populations. Rares sont les secteurs dont l'histoire est aussi riche que celle de l'agriculture, qui a évolué au fil des siècles au rythme des avancées technologiques.

Néanmoins, le secteur agricole a tardé à adopter une des grandes tendances technologiques de ces dernières années : l'intelligence artificielle (IA). Déjà couramment utilisée sous différentes formes allant des chatbots et de la reconnaissance faciale au freinage des véhicules et à la gestion des entrepôts, l'IA n’en est encore qu’à ses balbutiements dans le secteur agricole.

Aujourd’hui, les progrès de la recherche incitent les agriculteurs à se tourner vers les robots qui peuvent accomplir toutes sortes de tâches habituellement confiées aux ouvriers agricoles ou détecter rapidement les maladies des cultures.

Économique et écologique

Pour l'agronome français Bertrand Pinel, l'agriculture européenne devra utiliser les robots de manière bien plus intensive pour être productive, compétitive et écologique, trois objectifs prioritaires de l'UE pour un secteur générant environ 190 milliards d'euros par an.

Le recours aux robots s'explique notamment par la nécessité de renoncer à l'utilisation d'herbicides en procédant à l'élimination des mauvaises herbes à l'ancienne, le désherbage mécanique, une tâche non seulement fastidieuse mais aussi pénible et longue. La pénurie fréquente d’ouvriers disponibles pour tailler les vignes constitue une autre motivation à s’équiper de robots.

« Dans les deux cas, les robots apporteraient une aide précieuse », a souligné M. Pinel, responsable des projets de recherche et développement chez Terrena Innovation, une entreprise française. « Telle est notre vision de l'avenir de l'agriculture européenne. »

M. Pinel est impliqué dans le projet ROBS4CROPS, financé par l'UE, qui mobilise 50 experts et 16 partenaires institutionnels, et propose la technologie robotique inédite utilisée dans des exploitations partenaires aux Pays-Bas, en Grèce, en Espagne et en France.

« Cette initiative est tout à fait innovante », a commenté Frits van Evert, coordinateur du projet. « C’est une grande première. »

La fin des mauvaises herbes

En agriculture, l'IA semble intéressante pour les tâches devant être répétées tout au long de l'année, comme le désherbage, estime M. Evert, chercheur principal en agriculture de précision à l'université de Wageningen, aux Pays-Bas.

« Dans le cas d'une culture comme celle des pommes de terre, les semis sont généralement effectués une fois par an au printemps et les récoltes à l'automne, mais le désherbage doit être répété entre six et dix fois par an », a-t-il expliqué.

Sans parler de la rapidité des robots. Les machines travaillent souvent plus vite que n'importe quel être humain.

Francisco Javier Nieto De Santos, coordinateur du projet FLEXIGROBOTS financé par l'UE, est particulièrement impressionné par un prototype de robot qui prélève des échantillons de sol. Lorsqu'elle est effectuée à la main, cette opération nécessite un soin particulier afin d’éviter la contamination, puis exige d’envoyer l’échantillon au laboratoire et d’attendre plusieurs jours pour obtenir les résultats.

« Ce robot permet de tout faire dans le champ », a souligné M. De Santos. « Il peut prélever plusieurs échantillons par heure et fournir des résultats en quelques minutes. »

À terme, a-t-il ajouté, les avantages de ces technologies dépasseront le cadre du monde agricole et bénéficieront au grand public, grâce à sa capacité à augmenter la production alimentaire générale.

Un travail manuel qui ne trouve pas preneurs

Les robots agricoles peuvent être sollicités en raison de leur capacité à travailler plus vite qu’un humain, mais aussi en raison de l'absence de main d’œuvre disponible pour effectuer ce travail.

Avant même que l’inflation et les prix des engrais ne commencent à grimper en flèche en 2021, dans un contexte de pénurie d'énergie aggravé par la guerre en Ukraine, les agriculteurs européens étaient déjà confrontés à un autre problème : celui de trouver une main-d'œuvre suffisante, et notamment des travailleurs saisonniers.

« La main-d'œuvre est un des principaux problèmes du secteur agricole », a rappelé M. Evert. « Elle coûte cher et est difficile à trouver de nos jours, car de moins en moins de personnes veulent travailler dans l'agriculture. Nous sommes convaincus que les robots, et notamment les tracteurs autonomes, peuvent être la solution au problème. »

Le projet ROBS4CROPS a pour but d’élaborer un système robotique permettant de moderniser les équipements agricoles existants afin qu'ils puissent fonctionner en harmonie avec les robots agricoles.

Pour que le système fonctionne, les données brutes, telles que les images ou les vidéos, doivent d'abord être étiquetées par les chercheurs de manière à pouvoir être lues par l'IA.

Des tracteurs sans conducteur

Le système utilise ensuite ces immenses quantités d'informations pour prendre des décisions « intelligentes » et faire des prévisions, un peu comme le correcteur automatique dans les ordinateurs portables et des téléphones mobiles.

Un système de contrôle agricole, pouvant être considéré comme le « cerveau » des opérations, détermine ce qu’il faut faire ensuite ou la quantité de travail restant à effectuer, l'endroit où la tâche doit être réalisée, le tout à partir d'informations issues de cartes ou d'instructions fournies par l'agriculteur.

Les engins, qu'il s'agisse de tracteurs autonomes ou d'outils intelligents tels que des sarcleuses équipées de capteurs et de caméras, recueillent et stockent davantage d'informations au fur et à mesure qu’ils sont utilisés, devenant ainsi encore plus « intelligents ».

Des cultures protégées

Basée en Espagne, la société FLEXIGROBOTS a pour mission de faciliter l'utilisation par les agriculteurs des robots existants pour de multiples tâches, notamment la détection des maladies.

Prenons l'exemple des drones. Grâce à leur capacité à repérer une plante malade depuis les airs, ces engins peuvent aider les agriculteurs à détecter rapidement les cultures malades et à prévenir une infestation plus étendue.

« Si vous ne pouvez pas détecter les maladies à un stade précoce, vous pouvez perdre la production d'un champ entier, d'une année entière », a déclaré M. De Santos. « Notre seule solution est de retirer la plante infectée. »

Par exemple, il n'existe aucun traitement contre le mildiou, un type de champignon. Il est donc crucial d'identifier et d'éliminer rapidement les plantes malades.

La mise en commun des informations est essentielle pour rendre l'ensemble du système plus intelligent, a expliqué M. De Santos. Le fait de partager les données recueillies par les drones avec des robots ou d'intégrer ces informations à des modèles rend ces machines encore plus « intelligentes ».

Même si M. Pinel, agronome, ne croit pas que l'agriculture sera un jour totalement dépendante de la robotique, il est certain qu’elle va la révolutionner.

« Nous espérons qu’un jour les agriculteurs pourront se contenter d’installer quelques petits robots dans les champs et de les laisser travailler toute la journée », a-t-il déclaré.

Les recherches réalisées dans le cadre de cet article ont été financées par l’UE. Ce document a été publié initialement dans Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.    

Plus d’infos

Pour en savoir plus sur les projets financés par l’UE mentionnés dans cet article, suivez les liens ci-dessous.

ROBS4CROPS

FLEXIGROBOTS

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Horizon, le magazine de l’UE dédié à la recherche et à l’innovation.

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